The Artisans
Jours tranquilles à Belleville : L’atelier idéal
Elles sont trois femmes, Charlie Cappable, Olivia Pellerin et Virginie Blajberg à partager un atelier niché sur les hauts de Belleville, juste à côté des Buttes Chaumont. Trois créatrices, trois artisanes aux univers bien distincts, qui partagent ce lieu serein, caché derrière une lourde porte cochère qu’on pousse en ayant l’impression de faire un voyage dans le temps. Un saut au cœur d’un Paris sorti d’une œuvre de Georges Perec ou Raymond Queneau. Les coursives, aux petites portes peintes chacune d’une couleur différente, mènent à des ateliers baignés de lumière. La cour pavée croule sous les fleurs et les plantes, choyées par une concierge aux pouces verts. Mais en poussant la porte de ce lieu de création totalement féminin, on balaie l’image d’Epinal pour découvrir trois talents aux personnalités et aux styles bien affirmés et totalement modernes, qui bousculent les codes de l’artisanat et font entendre leur voix.
Charlie Cappable nous accueille, c’est par elle que l’aventure a commencé. Lorsqu’elle a décidé de s’installer pour créer pour elle-même, après 15 ans passés à le faire pour d’autres, en tant que décoratrice de cinéma, elle entend parler de ce lieu disponible et le découvre déjà équipé d’un four à céramique. Alors qu’elle n’a jamais travaillé l’argile, elle va se lancer dans la céramique sans idées préconçues sur ce qu’il est possible ou non de réaliser. Ce manque de formation empirique devient un atout qui va la pousser à expérimenter avec cette matière, à la pousser dans ses derniers retranchements, parfois jusqu’à la rupture, mais aussi jusqu’à l’obtention d’objets hybrides inédits à la fois pratiques, épurés et drôles.
Dans ce quartier de Belleville qui est le sien depuis longtemps, Charlie glane des objets en plastique aux couleurs rutilantes. Sortis fraichement d’un bazar chinois ou récoltés dans les piles d’objets abandonnés au coin des rues, les spécimens multicolores en PVC, polyéthylène, polyacrylique, élastomères et polymères en tous genres, s’accumulent chez elle en une étonnante collection. Elle voit dans ce matériau roi de la société de consommation, un outil symbolique et poétique, dont les transparences et opacités, les couleurs teintes en masse, lui offrent un vaste terrain d’exploration et d’inspiration. Elle lui rend sa fonction polymorphe première, le plastique étant par essence la pour se fondre et se couler dans tous les objets qui peuplent nos envies. Alors elle l’associe au noble grès, transforme des ustensiles triviaux en objets décoratifs purs. La carapace de plastique de ses plafonniers 280° ou ChriFtine diffuse la lumière à la manière du verre soufflé, créant une douce illusion d’optique.
Dans son travail de la terre cuite elle combine toujours le noir et le blanc, qu’elle fait vibrer au moyen d’une couleur et elle utilise le graphisme sec qu’impose le respect de la géométrie la plus pure. Ronds, carrés, triangles, ellipses, se combinent, s’empilent, se complètent. Comme Charlie est dotée d’un imaginaire fertile et fantasque, mais qu’elle connaît aussi ses classiques, la forme suit la fonction et elle vous entraine et vous suggère le mode d’emploi de cette vaisselle inspirée.
Café/Clope, se partage à deux. Deux comme vous et vos petits vices indissociables, caféine et sa copine nicotine, mais aussi vous et votre meilleur ami pour les partager. La sous-tasse peut servir de couvercle pour maintenir le breuvage au chaud, mais aussi, oh joie! de cendrier à deux places. Tels des crans sur un cadran imaginaire, les motifs combinés des grands bols et assiettes empilables O’clock forment des boites et vous donneront l’heure, même si vous ne leur avez rien demandé. En revanche ce sera toujours là même, votre heure préférée en quelque sorte, celle de la pause déjeuner, à vous de bien la choisir. Mêlant pureté des lignes, ascèse de la matière, couleurs primaires et détournements, les créations de Charlie Cappable oscillent joyeusement entre brutalisme et le dadaïsme.
Article à retrouver en intégralité sur le site The Artisans
Texte : Hélène Borderie - Photos : Julie Berranger